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 Livre sur la Vie d'Aristote

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nebuline
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nebuline


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Date d'inscription : 08/10/2009
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MessageSujet: Livre sur la Vie d'Aristote   Livre sur la Vie d'Aristote EmptyMer 28 Oct - 16:13

La Vita d’Aristote

Livre Premier: Dialogues

Dure est la tache de celui qui veut plonger son regard dans l’abîme des siècles passés, et qui cherche par ses mots à faire vivre dans les cœurs les héros de jadis. S’il en est un dont la vie mérite d’être conté, n’est ce pas cet Aristote dont les enseignements illuminent encore notre vie et notre mort ?
Voilà ce que moi, pauvre fidèle, j’entend vous conter aujourd’hui. Si la simplicité de ce récit vous touche, si la noble figure du Sage parvient jusqu'à votre cœur, alors mon œuvre aura fait sourire les puissances des cieux.

Introduction :

Vie d’Aristote le sage, serviteur du Très-Haut, à qui le Verbe divin a été révélé et qui annonça la venue du salut et de la lumière.

Chapitre premier: La Naissance.

En ce temps là une grande nouvelle se répandit dans la ville de Stagire : les sages astrologues venaient de repérer une comète inconnue dans le firmament. Aussitôt l’assemblée de la ville se réunie sur l'agora, tentant de découvrir le message que les cieux voulaient transmettre aux hommes. Hélas leur cœur était obscurci par leur foi erronée en de faux dieux, et ils s’égaraient dans des suggestions impies : pour l’un il s’agissait de la venue d’Hermès aux pieds ailés. Pour d’autre la foudre de Zeus allait s’abattre au milieu des hommes, et les temps touchaient à leur fin.
Seul dans l’assemblée un homme se taisait : son épouse était sur le point d’enfanter, et l’angoisse qui était la sienne ne lui permettait pas d’intervenir. Il n’était pourtant pas le moins sage, ni le moins écouté. La noblesse et la paix se lisait sur son visage, ainsi que les marques d’un dur labeur et d’une vie sans mollesse.

Les discussions touchant à leur fin sans qu’aucune solution n’émerge, l’homme retourna chez lui en hâte.

Là, allongée sur un lit de cuir, sa femme venait de mettre au monde un fils. L’homme s’approcha avec respect du nouveau né, le pris entre ses bras, le leva vers le ciel en disant : « Puissances célestes, je vous confie mon fils. Donnez lui une vie droite et juste. Que son cœur soit pur, son intelligence éveillée et sa vertu sans faille. Que votre sagesse guide ses pas et ses pensées, afin que son existence soit comme un chêne solide à l’ombre duquel les malheureux viendront se reposer. ». Reposant l’enfant près de sa mère, l’homme s’agenouilla près du lit et resta un long temps immobile, contemplant silencieusement sa femme et son fils.


Chapitre deuxième: LA Révélation

Un jour le jeune Aristote, agé seulement de cinq ans, voulu s'asseoir près du temple du faux dieu Apollon dans sa ville de Stagire. Le temple était sur une petite colline à l'extrémité est de la ville. L'enfant aimait regarder les hautes colonnes de pierre blanche se découpant dans l'azur du ciel.

Alors qu'il s'approchait des marches du temple il s'arrêta, comme immobilisé par une force invisible. Ne comprenant pas ce qui ce passait, il se retourna vers la ville pour appeller sa mère Phaetis, qui était à quelque distance de là. Mais ses lèvres ne produisirent aucun son.
La terreur commencait à inonder son âme, quand un roulement de tonnerre gronda au dessus du temple du faux dieu. Un éclair vint le frapper en son centre et il s'écroula aux pieds de l'enfant.
Puis une voix puissante qui faisait frémir les cieux retentie dans l'esprit d'Aristote; elle disait: "Voilà ce que ma puissance réserve aux idoles qui se font honorer comme des dieux. Cherche le Dieu unique, cherche la Vérité et la Beauté, car un jour viendra celui qui restaurera tout".

Bouleversé l'enfant tomba inanimé sur le sol. Lorsque ses yeux se rouvrirent il était dans la maison de son père, et sa mère était tendrement penchée sur lui: " Mon fils, que t'est'il arrivé? Nous t'avons trouvé près du temple écroulé, le visage tourné vers le ciel. Est-ce le dieu qui t'es apparut? Qui a détruit le temple? "
Mais l'enfant ne répondit rien. Il restait en silence et regardait sa mère avec les yeux de quelqu'un qui voit pour la première fois.
Enfin il pris la parole: " Mère chérie, je vous en prie, dites moi: qu'est ce que la Vérité? "
La pauvre femme était bonne, mais hélas son âme était encore pleine des erreurs paiennes, et elle ne sut répondre à cette question. Elle se pencha sur le front de son fils, l'embrassa et lui ferma les yeux avec douceur.
"Je t'aime mon fils, n'est ce pas la seule chose importante? Dors maintenant; demain ton père revient de guerre et il faut que tu sois reposé pour le recevoir dignement."

Et se levant elle quitta la pièce, l'esprit rempli d'angoisse.


Chapitre troisième: dialogue sur l'âme. Première partie:

Depuis quelques mois déja Aristote et sa famille habitaient à Pélas, la ville capitale de la Macédoine. Nicomaque, son père, venait en effet d'être nommé médecin personnel du roi de Macédoine, Amyntas II. Aristote grandissait en sagesse sous la direction éclairé de son precepteur. Un jour, alors qu'Aristote revenait de la palestre, il s'assit sur une fontaine de la cour intérieur de la maison paternelle, et demanda à son precepteur:

Aristote: "Maitre, par quelle merveille l'homme peut-il penser, alors que les animaux ne le peuvent point?".

Son precepteur, Epimanos, lui répondit:

Epimanos: "Qui peut prétendre lire le livre de la nature et en tirer les secrets des dieux? Aristote je te le dis: nous ne savons pas si les animaux ne pensent pas. l'homme pense, cela est certain. Mais les animaux? Sommes nous dans leur esprit?".

Aristote: "N'êtes vous pas d'accord noble maitre, que l'homme est sans cesse en quête de nouveauté?".

Epimanos: "Oui, certes, il est rare de voir l'homme tenir en place, et se contenter de ce qu'il possède et de ce qu'il sait. "

Aristote: "Hélas oui, c'est bien rare, et souvent je me dis qu'il vaudrait mieux pour l'homme d'être heureux dans la vie simple des anciens. Toujours est il que cette recherche incessante se retrouve sans cesse chez l'homme. Mais dis moi Noble Epimanos, cette quête de l'homme, n'est elle pas la preuve la plus évidente de son esprit et de son intelligence? "

Epimanos: "Je vois ce que tu veux dire: si l'homme ne cherchait pas sans cesse, alors cela voudrait dire qu'il se contente de ce qu'il a reçu, qu'il n'innove pas, qu'il ne pense pas même. En fait seul cette curiosité de l'homme nous garantie l'existence de son esprit."

Aristote: "Effectivement, c'est ce que je voulais dire. Je vois bien que je n'ai rien a t'apprendre. Mais continuons un peu. Tu possèdes un beau chien je crois? Un lévrier?"

Epimanos: " Oui, un cadeau de notre roi pour mon comportement à ses cotés lors de la dernière guerre contre les envahisseurs celtes. J'y suis très attaché."

Aristote: "Je te comprend. Quand tu élèves ton chien, comment fait tu?"

Epimanos: "C'est bien simple: je lui impose de faire quelque chose, et quand il le fait correctement je lui offre une récompense. Et s'il le fait mal je le puni légèrement."

Aristote: "Parfait! Une fois dressé, il fera toujours bien ce que tu lui as appris à faire n'est ce pas? Il a compris que s'il ne fait pas ce que tu lui demande il ne sera pas récompensé."

Epimanos: " En effet. Mais je ne vois pas où tu veux en venir. "

Aristote: " A ceci mon maitre: ce chien si noble et si bien dressé ne fait ce qu'il fait qu'en vertu de ce que tu lui as appris. Il ne le fait pas de sa propre initiative et une fois dressé il n'est plus en mesure de changer. N'êtes vous pas d'accord?"

Epimanos: " Il est vrai que pour le faire changer il faudrait le dresser à nouveau, et le punir alors qu'on le récompensais jadis. Et le pauvre deviendrai fou. Ce serait scandaleux."

Aristote: " Oui. Mais n'avons nous pas dit tout à l'heure que c'était la curiosité de l'homme et sa capacité à inventer de nouvelles choses qui montraient que l'homme avait un esprit?"

Epimanos: " Nous avons dit cela en effet. Et si je te suis, cela veut dire que les animaux, comme mon chien, qui ne peuvent pas changer de comportement par eux mêmes, n'ont pas le même esprit que l'homme. "

Aristote: " Exactement! Il est donc établi qu'il y a une différence entre l'homme et les animaux. Mais laquelle? Le sais-tu? "

Epimanos: " Non, je l'ignore. Veux-tu que nous cherchions ensemble une réponse à cela? "

Aristote: " Avec joie! Mais pas tout de suite, car je vois mon père revenir de la cour du Roi, et j'ai hâte d'entendre les nouvelles du palais. Portes toi bien! "

Epimanos: " Et toi aussi brillant disciple! "


Chapitre quatrième: dialogue sur l'âme. Deuxième partie.

Le soir tombait sur le ville de Pélas. On entendait que les murmures des femmes qui, près des temples paiens, invoquaient les faux dieux pour la santé du roi. Ce dernier en effet, était mourant. Nicomaque, le père d'Aristote, était à son chevet pour tenter de retarder, et d'alléger le poid de l'échéance fatale.
Aristote, agé maintenant de 14 ans, marchait au hasard dans les rues de la ville, sans voir ni entendre ce qui se passait autour de lui. Qu'adviendrait il de son père si le roi venait à mourir? Bien sur, il ne saurait être tenu pour responsable, mais qui sait ce que des courtisans mal intentionnés pouvaient imaginer, et quelles vengeances pouvaient s'exercer dans ces moments d'interrêgne?
Il s'arrêtta près du temple de Proserpine. Il ne croyait certes pas à la puissance de ces dieux, qui ne lui semblait que des pantins morts, mais il y avait comme une majesté secrête dans cette évocation de la déesse des morts en un instant pareil.
Il sentit une main se poser sur son épaule. C'était Epimanos.

Epimanos: Tu prie pour le Roi Aristote?

Aristote: Prier? Qui devrais-je prier? Et que dois-je demander?

Epimanos: Que veut tu demander? Qu'il vive bien sur! Et si tu ne crois pas en cette déesse tu crois bien en une force supérieure qui régie notre vie?

Aristote: Qu'il vive? Il va mourrir, tu le sais aussi bien que moi. Nos prières ne peuvent pas lui rendre la jeunesse ni la santé. Il a vécu longtemps, et il est temps pour lui de partir. Non, si je prierai, ce n'est pas pour qu'il vive.

Epimanos: Pour quoi donc alors?

Aristote: Qu'y a t'il après la vie Epimanos? Cette âme unique que l'homme possède et qui nous différencie des animaux, survie t'elle à cette vie?

Epimanos: Je ne sais Aristote. Ma science porte sur la vie et non sur la mort. Je peux te dire comment bien vivre, comment être heureux et connaitre les êtres au quotidien, mais pas ce qu'il y a après la mort.

Aristote: Tu peux me dire comment bien vivre? Voyons cela. N'est tu pas d'accord que pour faire un acte intelligent il faut en prévoir les conséquences?

Epimanos: Si bien sur, cela évite de faire des erreurs, de mal agir ou de mal juger des situations. C'est important de prévoir.

Aristote: Oui, c'est ce que tu m'as appris depuis mon plus jeune âge. Mais si tu le veux bien prenons un exemple: imaginons que tu veuilles te marier. Tu es d'accord que c'est un engagement définitif, et qu'il te faudra choisir avec soin?

Epimanos: Certes! Nos lois ne prévoient pas le divorce, et je crois bien que celui qui veut se marier règlera tout ses actes pour que ce mariage soit heureux, sinon ce serai une véritable folie!

Aristote: Tu penses tout comme moi que ce mariage se prépare avant même que l'on prenne l'engagement solennel: on cherche à corriger ses défauts, a se rendre aimable et bon, afin qu'au jour du mariage tout ce passe pour le mieux.

Epimanos: Si tous suivaient ces conseils il y aurait plus de mariages heureux, mais je pense en tout cas que c'est ce qu'il faudrait faire.

Aristote: Je suis content que nous soyons d'accord. Donc pour bien vivre il faut savoir ce qu'il y a après la mort.

Epimanos: Ah!? Là je ne te suis plus. Que veux tu dire?

Aristote: C'est bien simple: tout comme le mariage la mort est un évènement définitif. Il faut s'y préparer donc soigneusement. Si il y a une vie après la mort, alors la vie que nous menons avant la mort doit être consacré à préparer cette vie après la mort. Tout comme notre vie avant le mariage doit être consacrée à préparer notre vie après le mariage.

Epimanos: Je vois où tu veux en venir. Pour toi la mort n'est qu'un passage qui mène à une autre vie?

Aristote: Oui, et notre vie présente doit se consacrer à préparer cette ve future.

Epimanos: Mais pourquoi cette vie future serait elle plus importante que la présente? Et comment peut-tu être sur de son existence?

Aristote: Tu te souviens de notre discussion sur la différence entre les animaux et les hommes?

Epimanos: Oui, je m'en souviens très bien. Tu disais qu'il y avait une différence entre les deux, que l'homme était intelligent quand la bête ne cherchait rien de nouveau.

Aristote: Oui. Mais comment l'homme fait il pour chercher du nouveau, pour creer même en lui et autour de lui ce nouveau?

Epimanos: Et bien si je pars de ma propre expérience, je dirais que j'ai des idées qui me viennent, et qui ne semblent venir de personne d'autre que de moi même, et que je réflechie sur ces idées.

Aristote: J'en suis arrivé à la même conclusion. Ce qui m'a frappé c'est que cela ne venait pas de ce qui m'entoure, mais de moi même, de mon intérieur. Cela semblait...

Epimanos: Immatériel non?

Aristote: Oui, immatériel. Ce n'était pas la conséquence d'une impression sensible mais d'une impression immatérielle, spirituelle.

Epimanos: Je comprend. Mais quelles conclusions en tirer? Il est évident que ces impressions viennent de notre âme.

Aristote: Oui, mais cela veut dire que notre âme est immatérielle, car l'immatériel ne peux pas venir du matériel. Personne ne peut donner ce qu'il n'a pas. N'est tu pas d'accord?

Epimanos: Oui, dit comme cela c'est compréhensible. Mais où veux tu en venir?

Aristote: Mon père est médecin Epimanos, et il m'a souvent décrit la mort: la matière se putréfie, se désintègre sous l'effet du temps. Et regarde autour de toi: la mort est toujours marquée par la destruction de la matière.

Epimanos: Oui, tout passe en ce monde, et ce que les anciens on construit est déja presque disparu.

Aristote: Mais si tu prends quelque chose qui n'est pas composé de matière, cela disparaitra t'il?

Epimanos: Il ne me semble pas: si ce n'est pas composé de matière alors cela ne peut pas se désintégrer. Cela ne mourra pas. Ainsi la pensée d'un homme comme Pythagore sera éternelle et vivra encore dans plus de mille ans.

Aristote: Donc tu penses que ce qui est immatériel ne meurt pas?

Epimanos: Avec tout ce que nous avons dit jusqu'ici, je crois que c'est une chose établie.

Aristote: Alors notre âme, qui est immatérielle, doit elle aussi, ne pas mourir. Quand nous mourons notre corps disparait, mais notre âme, elle demeure. Et c'est cette vie de l'âme qui est la vie future. C'est cette vie que notre vie présente, dans notre corps, doit préparer.

Epimanos: Le roi qui meurt va donc vivre encore?

Aristote: Oui, et c'est pour que cette vie de son âme soit heureuse que je vais prier ce soir.

Epimanos: Nous prierons ensemble alors.

Et sur ces mots les deux amis se séparèrent, Epimanos rentra dans le temple de Proserpine, pendant qu'Aristote se dirigea vers la sortie de la ville pour marcher dans la campagne.


Chapitre cinq : Dialogues, L'Errance.


Aristote ayant atteint l’age de quinze ans, il perdit père et mère, et fut confié à la tutelle d’un proche parent, Proxène, lequel vivait dans des contrées reculées, entre Stagire et Athènes. Le jeune orphelin était éduqué au rude travail de la terre. Cette condition ne le satisfaisait guère, persuadé que son esprit était plus capable que ses mains. Il faisait souvent la rencontre d’humbles paysans, avec lesquels Proxène travaillait. Il admirait certes leur goût pour la vie simple, loin des fastes somptueux et du luxe qui, il le pressentait, conduisaient certainement au vice. Mais Aristote s’étonnait cependant de leurs coutumes.

Un jour, il vit l’un d’eux se livrer à la prière. Aristote se souvint de son dernier dialogue avec Epimanos, et voulut prendre le paysan en défaut.

Aristote : "A qui adressez –vous vos prières, brave homme ?"

Le paysan : "Et bien aux dieux, mon jeune ami."

Aristote : "Aux dieux ? Mais qui sont-ils ?"

Le paysan : "Ils sont Aphrodite, Apollon, Arès, Artémis, Athéna, Déméter, Dionysos, Hadès, Héra, Hermès, Héphaïstos, Poséidon, et le plus grand de tous, Zeus. Chacun siège à Olympe."

Aristote : "A Olympe, où est-ce ?"

Le paysan : "C’est une cité merveilleuse, perchée en haut d’un mont que nul n’a jamais vaincu. Vois-tu le mont Athos ? Et bien l’Olympe est cent ou mille fois plus élevé, un truc du genre."

Aristote : "Mais vous même, n’avez vous jamais tenté de grimper sur cette montagne ? N’êtes-vous pas curieux de voir de vos yeux ces divinités que vous priez chaque jour ?"

Le paysan : "Oh non, jeune homme. Je ne suis qu’un humble paysan. Ma place est ici, non sur l’Olympe."

Aristote : "Mais alors, comment pouvez vous croire en la réalité de ces dieux, si vous n’avez point constaté leur existence de vous même ?"

Le paysan : "Parce qu’on m’a enseigné qu’ils existaient, et qu’il fallait que je les prie pour que ma récolte soit meilleure, et que mes vaches deviennent grasses."

Aristote : "Voilà bien une chose étrange, vous ne priez pas par amour pour le divin mais par appétit terrestre. Je pense pour ma part qu’il est irrationnel de rechercher le matériel dans le spirituel. Mais à dire vrai, il n’y a pas que ça que je trouve irrationnel dans ce que vous me dites."

Le paysan : "Que me reprocheras-tu encore ?"

Aristote : "Et bien, il y a une chose que je ne comprends pas : pourquoi donc prier plusieurs dieux ?"

Le paysan : "Ainsi que je te l’ai dit, c’est ce qu’on m’a enseigné, qu’ils étaient plusieurs, et c’est ainsi depuis la nuit des temps."

Aristote : "Voilà bien une chose compliquée inutilement. Au lieu de plusieurs divinités, ne serait-ce pas plus pratique de n’en louer qu’une seule ?"

Le paysan : "Tu commence à me courir, jeune voyageur. Je t’en pose des questions, moi ? Je te demande si tu mets des braies ou des frocs ? Maintenant, laisse moi à mes méditations."

Aristote : "Non, non, je n’en ferai rien. Tu dois d’abord admettre, brave homme, que prier un seul dieu serait plus logique. Qu’attend t-on d’un dieu, sinon qu’il soit tout puissant et omniscient, qu’il soit un ? Rendre grâce à plusieurs dieux, c’est comme fragmenter en autant de parties le pouvoir qu’un seul pourrait réunir en lui. Je crois qu’en toutes choses, l’unité est préférable à la division."

Le paysan : "Peut être."

Aristote : "Non, certainement. Le divin est un Tout unique et le divin est la perfection, donc la perfection est unité. L’unité est la forme idéale des choses.

Le paysan : "Mouais, enfin moi, jeune homme, je suis bien trop stupide pour entendre ton charabia. Je suis loin d’être lettré. Si je te donne un conseil, me laisseras-tu en paix ?"

Aristote : "Et bien oui, cela me convient."

Le paysan : "Prends la route d’Athènes, si Proxène te le permet, et tu y trouveras un professeur qui saura t’écouter. On le nomme Platon."

Aristote : "Merci, brave homme."

Et Proxène d’envoyer Aristote, les dix-huit printemps révolus, à Athènes, trop heureux que ce piètre paysan le quitta.


Chapitre six: Dialogues, Le Maitre.


Aristote, après des jours d’un voyage épuisant, fit enfin son entrée dans la cité athénienne. Ce qu’il y vit le laissa pantois. La ville était merveilleuse, et l’architecture d’une pureté superbe. Les colonnades se déployaient dans une harmonie qui ravissait l’esprit. A chaque coin d’allée, des marchés grouillant attestaient de la formidable activité commerciale qui régnait en ces lieux. Les jardins étaient multitudes, et l’on pouvait y voir de petits groupes de philosophes, qui se complaisaient aux sophismes entre les plantes luxuriantes, les fontaines au charme ineffable, et les roches millénaires. Un temple magnifique, perché sur un plateau, dominait la cité.

Aristote était fort impressionné, mais finit par trouver l’académie, où l’illustre Platon enseignait. La magnificence du lieu le consternait, et tel un halluciné il errait dans les immenses couloirs de marbre de la bâtisse. Ses pas le conduisirent vers une lourde porte, sur laquelle on pouvait lire l’indication « scolarité second cycle ». Aristote n’avait jamais rien vu de pareil, et se demandait ce que pouvait signifier cette mystérieuse formulation, mais il se décida à entrer, pour y demander son chemin. L’accueil fut fort désagréable. De vieilles femmes antipathiques lâchèrent à Aristote, du bout des lèvres, que « le professeur Platon devait donner un cour en troisième année, à droite au fond du couloir, puis à gauche, puis deux fois à droite, puis à gauche, puis tout droit, puis en haut de l’escalier B ». Enfin l’une d’entre elles fit comprendre à Aristote, d’un regard sombre, qu’il fallait qu’il quitte les lieux aussitôt.

Après moult pérégrinations, et mines méprisantes des disciples auxquels il demandait son chemin, Aristote parvint enfin dans un grand amphithéâtre, où il fit une intrusion remarquée du professeur.

Platon : "Quel est ton nom, jeune homme ?"

Aristote : "Aristote."

Platon : "Fort bien. Aristote, sache que je n’accepte personne dans mon cour que je n’ai d’abord testé."

Aristote : "Je suis prêt."

Platon : "Bien. Aristote, si je t’admets en mon enseignement, je t’apprendrai les rudiments de la logique, et davantage si ton intelligence le permet. Mais d’abord, tu dois savoir te détacher de ce que tu considères comme certain. Un bon philosophe ne fait confiance qu’à sa propre raison, et doit être capable de démonter les raisonnements pervers des sophistes pour avoir une connaissance parfaite des choses de ce monde. Ecoute bien ceci : il faut dire qu’aucun chat n’a huit queues, mais cependant, un chat a une queue de plus que nul chat. Donc, un chat doit avoir neuf queues."

Aristote écoutait avec attention.

Platon : "Alors, peux-tu me démontrer l'absurdité de ce sophisme ?"

Aristote réfléchit un instant puis énonça la chose suivante...

Aristote : "Et bien continuons le raisonnement. Un chat doit donc avoir neuf queues, donc un chat a neuf queues de plus que nul chat. Et comme aucun chat n'a huit queues, un chat doit en avoir dix-sept..."

Platon : "Bien vu"

Aristote : "Si on fait tourner le raisonnement en boucle, il en vient à se contredire. L'énoncé qui vient en conclusion ne peut donc qu'être faux."

Platon : "C’est remarquable, jeune homme. Je vois qu’il n’est pas nécessaire de t’enseigner l’art du syllogisme, il est inné chez toi."

Et Aristote fut heureux d’avoir satisfait son nouveau professeur.


Chapitre sept: Dialogues, la Rupture.

Aristote suivait l’enseignement de Platon avec avidité. Ce que le maître disait, l’élève l’intégrait comme inaltérable vérité. Les grandes capacités d’Aristote en avaient fait le disciple préféré de Platon, et lorsque le maître énonçait un principe, l’élève trouvait toujours le moyen d’en assurer l’exactitude, par quelques réflexions ou exemples bien trouvés.

Mais un beau jour, le maître et l’élève eurent leur première dissension, alors que Platon affirmait la chose suivante.

Platon : "Ainsi, les idées sont une création abstraite de notre intellect. Elles ont une existence qui leur est propre."

Aristote : "Vous voulez dire, maître, qu’il n’existe pas autant de choses que d’idées ?"

Platon : "Oui, c’est ce que je veux dire, brillant disciple."

Aristote : "Mais par là même, vous prétendez qu’il existe des choses sans qu’une idée y soit associée, et inversement."

Platon : "En effet, l’idée est le produit de la conscience, et la chose celle du réel. C’est deux objets qu’il convient de distinguer."

Aristote : "Voilà bien une proposition étrange, cher maître, de dissocier ainsi ce qui est indubitablement lié."

Platon : "Que veux-tu dire ?"

Aristote : "Et bien qu’une idée ne peut exister sans la chose à laquelle elle se réfère."

Platon : "Mais que fais-tu de l’abstraction, Aristote ?"

Aristote : "L’abstraction est une illusion, cher maître. L’idée ne vient à l’esprit que tant qu’il existe la chose. Nous sommes parties d’un tout, et si un élément devient intelligible, c’est bien parce qu’il existe."

Platon : "Mais par telle affirmation, tu nies le pouvoir créateur de l’esprit."

Aristote : "L’esprit ne fait qu’observer et constater. Les idées ne sont que la faculté de l’homme à voir ce qui l’entoure. Elles ne font que rendre intelligible l’essence des choses. Et par extension, les choses qui sont intelligibles à l’homme ne sont qu’une copie des idées qu’il s’en fait. Rien n’existe en dehors de l’intelligibilité."

Dès lors, la rupture fut consommée entre le maître et le disciple. Aristote, entretenant toutefois un respect à l’égard de Platon qu’il conserva intact jusqu’à son trépas, prit la décision de s’affranchir de son professeur, et quitta Athènes.


Dernière édition par nebuline le Mer 28 Oct - 16:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Livre sur la Vie d'Aristote   Livre sur la Vie d'Aristote EmptyMer 28 Oct - 16:26

Chapitre huit: Dialogues, L'unité de Dieu.

Aristote, qui se sentait en age de maturité philosophique, et émancipé de la tutelle de son maître, décida qu’il était temps pour lui de fonder sa propre école. Il savait qu’Hermias, son ami de longue date et seigneur d’Atharnée, avait réuni un petit cénacle d’anciens élèves de l’académie d’Athènes à Axos, sur la côte de la Troade. Aristote décida donc de diriger cet enseignement, et fonda ainsi sa première école.

L’académie d’Aristote avait grand succès. Des élèves de toute la Grèce affluaient pour recevoir les lumières du maître. Par un beau jour de printemps, un disciple prometteur vint trouver Aristote.

Le disciple : "Maître, j’ai bien pensé, jusqu’à n’en point dormir, et il est toujours une question qui taraude mon esprit juvénile."

Aristote : "Je t’écoute. Dis moi ce qui te tracasse."

Le disciple : "Et bien maître, vous nous enseignez que l’univers est dynamique, vous nous enseignez que si l’essence est statique, la forme, elle, est mouvante comme une onde sur la surface de l’eau."

Aristote : "Oui, c’est vrai."

Le disciple : "Mais maître, selon ce principe, à tout acte correspond une puissance, comme vous le dites vous même, et ainsi donc, à tout effet correspond une cause."

Aristote : "Certes."

Le disciple : "Alors, maître, si je remonte dans l’ordre des effets et des causes, je ne devrais aboutir qu’à une seule cause pour tous les effets. Or, sauf votre respect, il est notoire que les dieux sont plusieurs. Ainsi, selon votre théorème, le monde ne devrait être que chaos, car dès l’origine, les causes sont multiples et ne se concertent pas en volonté. A moins de postuler que tous les dieux ne sont les effets que d’un seul, puissant par-dessus tout. Pouvez-vous m’éclairer ?"

Aristote : "Mais, cher disciple, la solution se trouve dans l’énoncé du problème. Raisonne un peu, mon ami. Tiens t-en aux principes de la dialectique et du syllogisme. Il y a, dans ton exposé, un élément exogène, et parasitaire, à savoir ce que tu qualifies de savoir public. Je te l’ai déjà dit, nous sommes des philosophes, et l’on ne peut atteindre la vérité que par l’action de notre esprit qui qualifie la substance, non en prenant quelques postulats pour argent comptant."

Le disciple : "Que voulez-vous dire, maître ?"

Aristote : "Je veux dire que si tu remontes l’ordre des causes et des effets, tu trouveras la cause finale, l’intelligibilité pure, comme tu l’as dit. Ainsi, s’il est notoire que les dieux sont plusieurs, ça n’en est pas moins faux, car telle affirmation ne résiste pas à l’examen logique de la proposition."

Le disciple : "Euh, pouvez vous être plus clair, maître ?"

Aristote : "Certes, je le peux, par ce syllogisme enfantin : une cause finale est une intelligence pure, une divinité. Si on remonte l’ordre des causes et des effets, on ne trouve qu’une seule cause finale. Donc Dieu est unique."

Le disciple : "Ah bah ça alors !"

Aristote : "Je ne te le fais pas dire, cher disciple. De Dieu il n’y en a qu’un, ce moteur immobile du monde, cette volonté parfaite qui est la source de toute substance, de tout mouvement. Dieu est la finalité cosmique de l’univers."

Et le disciple de s’en retourner à ses pénates, satisfait de la réponse de son maître…


Chapitre neuf, Dialogues, La nature des Astres.


Par un jour sans nuage, Aristote avait convié ses disciples à admirer la voûte céleste. Tous s’émerveillaient de la beauté des astres, brillant comme des flambeaux sur un ciel d’encre. Le maître montrait à ses élèves comme les étoiles ont un mouvement caractéristique. Mais certains commençaient à avoir froid et voulaient rentrer se coucher.

Sargas : "Maître, ne serait-il pas plus profitable pour nous de discuter et d'étudier plutôt que de paresser ainsi dehors ?"

Aristote : "Ainsi donc, tu penses que nous paressons. Ne crois-tu pas que les sphères célestes soient les choses les plus parfaites qui existent ?"

Sargas : "Je ne sais pas."

Aristote : "De quelle manière se déplacent les astres, dis-moi ?"

Sargas : "Maître, ils se déplacent en cercles, fixés qu'ils sont sur des sphères cristallines et transparentes."

Aristote : "Bien. Et la Terre, quelle est sa forme ?"

Sargas : "L'observation des étoiles lors d'un voyages ou d'un bateau à l'horizon nous montrent qu'elle est ronde."

Aristote : "Ainsi donc tu écoutes fidèlement mes leçons. La Terre est sphérique, et le ciel se compose de sphères supportant les astres. Le cercle et le mouvement circulaire sont partout. Or quel mouvement est plus parfait que le mouvement circulaire ?"

Sargas : "Aucun maître, car il se suffit à lui-même et traduit la continuité. Le mouvement circulaire est le mouvement parfait par excellence."

Aristote : "Or un mouvement parfait ne peut être produit que par une puissance parfaite. Et la seule puissance parfaite, c'est Dieu ! Chers disciples, l'observation des cieux nous permet de comprendre comme sont bien agencées les sphères célestes. Et cette perfection porte la marque de Dieu."

Sargas : "Vous avez raison, maître, merci pour cette leçon."

Aristote : "Ne me remercie pas, remercie les astres ! Tiens, prend ces pièces et va nous cherchez un peu de vin chez Oinos"

Sargas : "J'y cours, maître"

Sargas revint avec du vin pour tous les disciples. Et ils restèrent encore un moment à contempler les étoiles.


Chapitre dix: Dialogues, La Morale.

Par un rude jour d’hiver, un disciple, qui avait atteint le terme de son enseignement, vint trouver Aristote, avant de quitter le lycée.

Le disciple : "Cher maître, maintenant que je vais être livré à moi-même, il y a une chose que j’aimerais savoir."

Aristote : "Je t’écoute, brillant disciple."

Le disciple : "Vous m’avez remarquablement formé à l’art de la logique et à la science métaphysique, mais vous ne m’avez rien dit quant à la morale."

Aristote : "Tu dis vrai, mon ami. C’est en effet une lacune de mon enseignement. Que veux-tu savoir au juste ?"

Le disciple : "Il est important pour un homme, je le crois, de savoir identifier le bien du mal, afin de se conformer aux règles qui conduisent au premier, et qui permettent d’éviter le second."

Aristote : "Certes."

Le disciple : "Ce qui m’amène à cette question simple, maître, qu’est-ce que le bien ?"

Aristote : "C’est un problème tout à la fois vaste et d’une simplicité limpide comme le cristal. Le bien, dans son principe, c’est la perfection de la nature de l’objet, de sa substance."

Le disciple : "Mais pourquoi donc, cher maître ?"

Aristote : "Parce que le bien ultime réside dans le divin, sans nul doute. Et pour identifier le bien, il suffit donc de s’attacher à l’analyse de l’essence du divin. La substance du tout puissant étant intelligibilité pure et parfaite, le bien ne peut être que perfection de la substance, et donc de la nature d’une chose. Comprends-tu ?"

Le disciple : "Oui, cher maître, je comprends."

Aristote : "Je t’ai enseigné, cher disciple, que la nature d’une chose réside dans sa destination, puisque le mouvement révèle la substance de l’objet. Tu sais donc quelle est la nature de l’homme n’est-ce pas ?"

Le disciple : "Certes, maître, la nature de l’homme est de vivre en collectivité, et cette collectivité prend le nom de cité."

Aristote : "Tout à fait. Le bien de l’homme, c’est à dire ce qui tend à réaliser la perfection de sa propre nature, est donc une vie vouée à assurer les conditions de l’harmonie au sein de la cité. Or, le bien de la cité, est tout ce qui participe à son équilibre, puisque la nature de la collectivité est de se perpétuer. Ainsi donc, tu peux le constater, le bien de l’homme conduit au bien de la cité."

Le disciple : "C’est remarquable !"

Aristote : "En effet, ça l’est. Vois-tu, l’homme ne fait le bien qu’en s’intégrant pleinement à la cité, en participant à la politéïa, et en faisant tout son possible pour en maintenir l’harmonie."

Le disciple : "Alors, cher maître, l’homme de bien est donc le citoyen ?"

Aristote : "Je n’ai pas dit cela, cher disciple. Un esclave peut être un homme de bien, s’il a conscience de sa propre nature d’homme, et qu’il sait se satisfaire de sa condition, car ainsi il œuvre au maintien de l’équilibre de la cité. La politéïa n’est pas que la participation aux assemblées."

Le disciple : "Et bien, cher maître, voilà des réponses qui me satisfont."

Aristote : "J’en suis heureux, mon ami."

Et sur ce, Aristote ne revit jamais son disciple qui, selon la légende, vécut une existence exemplaire, inspirée par les principes de la vertu.

Chapitre onze: Dialogues, Le songe.

Un matin, Aristote avait une mine préoccupée. Son fidèle Sargas, qui fréquentait le lycée depuis des mois, vint à sa rencontre pour s’enquérir de son sort. Le maître lui fit cette réponse…

Aristote : "Cette nuit, mon cher disciple, j’ai fait un rêve."

Sargas : "Ah oui, maître ? Racontez-moi."

Aristote : "Certes oui. J’ai songé qu’en orient existait une cité merveilleuse."

Sargas : "Quel genre de cité ?"

Aristote : "Une cité idéale, parfaite, où tous vivaient en une fabuleuse harmonie. L’équilibre y était si solide que nul n’aurait pu le rompre, pas même la venue d’un étranger comme je l’étais dans mon imaginaire. J’y ai fait intrusion, y ait importé mes mœurs, que je dirais à présent corrompues, mais j’y ai été accueilli comme un frère."

Sargas : "Quels étaient ses principes, maîtres ?"

Aristote : "Cette cité est organisée selon le principe de trois cercles concentriques, ou trois classes de citoyens si tu préfères.

Je commencerai par te décrire ce qui constitue la plus basse de ces classes, à savoir celle des producteurs, la classe d’airain. Ils constituent la majorité, et vivent paisiblement de la culture de leurs champs et de l’élevage de leurs bêtes. Ils prennent ce qui est nécessaire à leur subsistance, et à celle de leurs familles, dans leur propre production, et donnent le reste aux classes supérieures. Si ces hommes constituent la base de la cité, leur sort est cependant enviable. Ils connaissent les joies de la tranquillité, d’une existence simple au service de la collectivité. Ils s’adonnent à l’activité physique qu’exige un travail régulier, et qui maintient leur corps en condition, meublent leur temps libre par la contemplation des choses de la nature, par l’éducation des enfants que ces gens là placent en très haute considération, et par la prière, adressant leurs louanges à Dieu qui leur a donné les plaisirs dont ils sont bénéficiaires.

La seconde classe de citoyens, la classe d’argent, est celle des gardiens, des soldats. Ceux là sont autorisés à l’oisiveté, et profitent, en temps de paix, d’une subsistance gratuite qui leur est fournie par les producteurs. Ils philosophent, admirent eux aussi les bienfaits de la nature, s’instruisent quel que soit leur age, s’entraînent au maniement des armes. En temps de guerre, ils se font les plus fervents défenseurs de la cité. Leur courage n’a pas d’égal, et ils donneraient leur vie, sans hésitation, pour la conservation de la communauté, ou pour défendre leur foy qu’ils placent en très haute estime. Et au retour des combats, ils sont accueillis comme des héros. On dépose sur leurs têtes des couronnes de lauriers, on les traite comme des princes, et de fabuleux festins sont tenus en leur honneur. Ils sont portés en triomphe par le peuple, et aimés par les femmes.

La troisième classe de citoyens est celle des philosophes rois, la classe d’or. Ceux là sont les plus anciens, recrutés parmi les gardiens qui se sont montrés les plus braves, les plus aptes au commandement, et les plus doués en matière de philosophie. Leur seul bien est la raison, car ils sont délivrés de leurs possessions terrestres. Leur foy en Dieu est leur seule arme. Ils s’illustrent par la pratique des vertus de la manière la plus parfaite. Ils sont un exemple pour tous, et le peuple est heureux de sacrifier un peu de sa propriété pour assurer la survie de ses maîtres. Les philosophes rois constituent le gouvernement de la cité. Ils décident collégialement de ses destinées. Ils sont également les ministres du culte rendu au Tout-Puissant, et là réside leur légitimité. On tient leur pouvoir comme inspiré par le Très-Haut, de part leur condition de prêtres. Ils organisent l’ensemble de la cité, planifient la production, rendent la justice, et légifèrent."

Sargas : "Par ma foi, voilà une formidable cité que vous me décrivez."

Aristote : "Certes, c’est vrai. Et j’ai la conviction intime qu’elle doit exister, quelque part."

Sargas : "Croyez-vous, maître ? N’est-ce pas là un simple songe ?"

Aristote : "Non, je crois plutôt qu’il s’agit d’une prémonition. Et je veux m’en assurer par moi même. J’ai fait mon temps ici, et de ta condition de disciple, tu vas passer maître. Le lycée t’appartient."

Sargas : "Comment, maître ? Mais j’ai encore beaucoup à apprendre."

Aristote : "De moi, non, mon cher ami."

Et le maître, toujours aussi grave, laissa Sargas décontenancé, pour s’intéresser aux préparatifs de son voyage en orient…


Chapitre douze: Dialogues, l'Hermite.

Aristote cheminait en Attique alors qu'il avait rendu visite à un lointain parent vivant à Thèbes. Il était seul, ayant laissé la responsabilité de son école à ses meilleurs élèves. Mais à une bifurcation, il se trompa de chemin et au lieu de redescendre vers la plaine et la ville, il s'engagea dans les collines. Au bout de deux heures de marches, il se rendit compte de son erreur et avisa une habitation isolée. Il décida d'y aller demander conseil sur la route à suivre.

Au fur et à mesure qu'il s'approchait, il se rendit compte que ce qui de loin passait pour une maison n'était une mauvaise cabane adossée aux rochers, masquant grossièrement l'entrée d'une grotte.

Il frappa à la porte et héla, on vint lui ouvrir. L'homme, âgé, était à peine vêtu, et seulement de haillons. Il était maigre et hirsute.

Aristote : "Bonjour, vieil homme. Je me suis perdu et cherche le chemin de Mégare."

Ermite : "C'est si tu y vas, que tu seras perdu."

Aristote : "Je n'ai point souvenir que la ville ou les routes alentours soient à ce point peuplées de brigands."

Ermite : "Qui donc te parle de brigands. Elles sont peuplées d'humains. C'est déjà bien assez dangereux. "

Aristote comprit alors qu'il avait affaire à un ermite.

Aristote : "Dis-moi, es-tu heureux ?"

Ermite : "Si je suis heureux ? Et comment ! J'ai tout ce qu'il me faut : l'eau de la rivière, des oliviers, un petit jardin. Et comme je ne suis pas maladroit de mes mains, je fabrique ce dont j'ai besoin. Je n'ai besoin de rien, ni de personne. Je suis parfaitement heureux."

Aristote : "Un homme ne peut pas se contenter d'une telle vie. Ou alors il n'est pas pleinement."

Ermite : "Balivernes ! Je suis le meilleur des hommes."

Aristote : "Comment le saurais-tu, toi qui ne connais pas les autres ? Etre un humain, c'est vivre selon la vertu. Et la vertu est une pratique qu'on ne peut exprimer qu'avec les autres. Tu vis bien certes, mais tu ne pratiques aucune vertu puisqu'il n'y a personne avec qui tu puisses la pratiquer. Tu vis comme un ours, indépendant. Mais a-t-on vu un ours faire preuve de vertu ? Tu n'es pas un homme heureux puisque tu n'es même pas un humain. Un humain a des amis, où sont les tiens ?"

Ermite : "Mes amis sont la nature, mes oliviers, mes légumes."

Aristote : "Une véritable amitié se fait entre égaux. Tu es donc l'égal d'un olivier : planté et immobile. Tu survis en marge de la Cité au lieu d'y participer comme le fait tout véritable humain. Je vais donc te laisser prendre racine, adieu !"

Et Aristote reprit sa route, descendant vers Mégare.


Chapitre treize, Dialogues, LA réception de chez Polyphilos.



Aristote avait été invité à une réception chez un riche marchand athénien exerçant également les fonctions d'archonte. Il s'appelait Polyphilos. C'était un homme riche et puissant, passionné par la philosophie. Il venait souvent écouter Aristote, aussi souvent que ses charges et son statut le lui permettaient. Sa maison était pleine à craquer, et les tables regorgeaient de victuailles.

Aristote tenait une coupe de vin qu'il venait de remplir au cratère. Il prit une feuille de vigne farcie quand Polyphilos s'approcha de lui.

Polyphilos : Aristote, cher maître. Comment trouvez-vous cette réception ?

Aristote : Je vous avoue que je préfère les plus petits comités, on ne s'entend pas, ici. Mais votre maison est splendide et le banquet est digne des plus grands rois.

Polyphilos : Merci pour ces compliments. Mais rien n'est trop beau pour mes amis et j'aime à les avoir tous autour de moi.

Aristote : Tous ces gens ici, sont donc vos amis ?

Polyphilos : Bien entendu. Nul n'entre ici qui ne soit mon ami.

Aristote : Je vois pourtant des gens de toutes extractions sociales et occupant diverses fonctions pour la Cité.

Polyphilos : Et alors ? Je ne suis pas hautain. Je laisse ça au nouveaux riches.

Aristote : Certes, c'est tout à votre honneur. Mais il ne peut s'agir d'amitié véritable. Un vrai ami est un égal car l'amitié doit être parfaitement réciproque et équitable. Si elle ne l'est pas, ce n'est plus de l'amitié mais de l'intéressement. Un roi ne peut rien attendre d'un mendiant, ce dernier est incapable de l'aider en cas de besoin, or l'entraide est la base de l'amitié. Donc il n'y a pas d'amitié possible entre personnes par trop inégales.

Le jeune fils de Polyphilos s'était approché.

Eumónos : Je le répète sans cesse à mon père. Ces gens ne sont pas ses amis et il doit prendre ses distances.

Aristote : Ce serait tomber dans l'excès inverse, jeune homme. L'amitié est le plus grand bien de l'homme. Elle noue les liens des communautés. Et les communautés forment à leur tour la Cité. L'amitié permet les relations sociale et l'Humain peut alors prendre part dans les affaires de la Cité. Et comme la vertu cardinale de l'homme est la participation à la cité, l'amitié est une chose essentielle.

Eumónos : Mais comment trouver un parfait égal ?

Aristote : Ce n'est pas nécessaire. Il faut surtout que l'intéressement ne soit pas trop prononcé dans le chef d'un des prétendus amis. Le juste milieu, celui de la vertu, c'est de savoir s'entourer d'amis véritables, de gens qui peuvent compter sur vous et sur qui vous pouvez compter.

Polyphilos et Eumónos hochèrent la tête pour marquer leur accord. Aristote s'éloigna de quelques pas avant de se retourner.

Aristote : Ces feuilles de vigne sont délicieuses, aussi délicieuses que le conseil d'un ami, vous ne trouvez pas ?


Chapitre quatorze: dialogues, Le jeune Philosophe.

Aristote en était au soir de sa vie. Sa réputation dépassait largement les mers qui bordent l'Ellade. Mais le vieux maître aimait de plus en plus à se promener dans les campagnes qui jouxtent Athènes. Un jour qu'il passait la porte ouest, il remarqua un groupe de jeunes gens assis dans un jardin. L'un d'entre eux se tenait sous un olivier, il semblait mener leur discussion. Si la vieillesse avait émoussé le corps d'Aristote, son esprit et sa curiosité étaient encore aussi affutés que la lame d'un couteau scythe. Il s'approcha du groupe. Il s'aperçut alors qu'ils parlaient de philosophie.

Un jeune : O Epikouros, parle-nous des Dieux.

Epikouros : Qu'est-ce qu'un Dieu, sinon un être parfait, et donc un être parfaitement heureux. Et s'ils sont parfaits, ils sont incorruptibles, donc leur bonheur est éternel. Aussi pourquoi les Dieux se soucieraient-ils de nous ? Nous devons nous désintéresser des Dieux car ils n'ont en retour aucun intérêt pour nos petites affaires.

Aristote : Quelles sottises !

Alors que tous se retournaient pour voir qui avait prononcé ces paroles, Aristote s'approcha, considéra une pierre et s'y assit.

Epikouros : Tu n'es pas d'accord avec ce que je viens de dire ?

Aristote : Comment le pourrais-je, puisque c'est faux ? Tu dis que les Dieux sont parfaits, n'est-ce pas. Mais réfléchi à ce qu'est la perfection. La perfection n'est pas seulement physique, elle est aussi morale. Un Dieu doit forcément être parfaitement moral, donc vertueux, donc bon.

Epikouros : Mais peut importe qu'il soit bon. Il est tellement parfait qu'il ne se soucie pas de nous.

Aristote : Que du contraire, sa perfection l'oblige à se préoccuper de tout, sans cela, il lui manquerait quelque chose et il serait imparfait. Et puis ,tu parles des Dieux, il n'en existe pourtant qu'un seul. Comment un être parfait pourrait-il exister à côté d'un autre ? De même, s'il est parfait, il est unique car toute perfection étrangère à la sienne ne peut que lui être retranchée.

Epikouros : L'unicité ne peut engendre la multiplicité. Si ton être parfait existe, rien ne peut exister à côté.

Aristote : L'argument est beau, mais il est inutile car visiblement nous existons, et de toute évidence Dieu existe. Je dirais même plus, notre existence implique celle de Dieu. Tout effet a une cause. L'existence elle-même doit avoir une cause, qui en a une elle-même... Si on veut éviter la régression à l'infini, il faut postuler une cause première. Or qui d'autre peut-être cette cause première sinon un être tellement parfait qu'il ne peut avoir ni début ni fin ? Cette cause première est la source de toutes les causes. Cette discussion, d'ailleurs, a plusieurs causes.

Epikouros : Tu m'intrigues...

Aristote : Alors tu es moins borné que je le pensais. Ecoute bien les autre causes de notre discussion. La cause matérielle, c'est toi, car tu es là et tes propos ont provoqué cette discussion. Tu es la matière première. La cause efficiente, c'est moi, car c'est moi qui instille en toi un peu de sagesse. Je suis l'artiste. La cause formelle, c'est la dialectique, que tu dois encore apprendre à maîtriser. C'est la technique de l'art. Et la cause finale, c'est la vérité qui s'implanter dans ton âme. C'est l'oeuvre terminée.

Aristote se leva alors que le jeune philosophe ne trouvait rien à répondre. Il épousseta son chiton et partit sans un mot. Arrivé à quelque distance, il leva les yeux vers le ciel et prononça ces mots :

Ce jeune homme ira loin. Ses idées risquent de se propager rapidement. Espérons que d'autres viendront qui poursuivront mon oeuvre et traqueront ce genre de pensées.
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MessageSujet: Re: Livre sur la Vie d'Aristote   Livre sur la Vie d'Aristote EmptyMer 28 Oct - 16:40

Livre deux - Panégyrique


Panégyrique I - De l'Ame

De l'âme

Aristote en ces temps, logeait à Athènes et avait installé son quartier général à l’Académie de la bière, une auberge située dans la Plakathon, en plein cœur du quartier égyptien (ç’était le cantonnement réservé aux étudiants, aux fêtards et noctambules qu’on surnommait les gypsies)
C’est lors d’une de ces nuits spécialement agitée qu’il fît une découverte qui secoua tout le milieu intellectuel de la citée durant une bonne semaine.
Au milieu des clameurs habituelles dans la chaude moiteur de la taverne, rompant les « c’est à boire, à boire …qu’il nous faut, hips » proférés par un Paulodaure fin pété, son compère Mimilas monté sur une table interpella l’assemblée

Mimilas : «éclaires-nous donc, Maître, sur ce qu’est notre âme »

Alors le sage Aristote s’adressa à ses compagnons en ces termes

Aristote : « Mes amis, il y a deux sortes d’âmes.
Tout être vivant possède une âme que je nommerais anima en ce qu’elle est la puissance qui l’anime, mise en œuvre dans la formation de l’être vers sa forme achevée. Etant le principe d’organisation du corps vivant l’anima est inséparable de celui-ci. »

Mimilas : « on pourrait donc nommé anima, le schéma de fonctionnement de la fourmi rouge ouvrière, par exemple, mais quelle serait l’autre sorte d’âme ?»

Aristote : « en effet (et je te rappelle que la fourmi ouvrière rouge est dite prolétaire), à contrario, l’animus, l’âme pensante, possède un statut privilégié et il semble bien que ce soit là un genre d'âme tout différent, et que seul il puisse être séparé du corps, comme l'éternel du corruptible.»

Mimilas : «alors, étant éternel, l’animus serait donc conçu à la ressemblance de Dieu ? »

Aristote : « exactement, c’est l’anima qui fait que Paulodaure, rentré de son champ de maïs, au lieu de prendre à droite vers son logis, Bobona et les gosses choisit à gauche vers la taverne pour se torcher à la boulasse avec les potes puis peu à peu rongé par l’embonpoint, le remord et la cirrhose donne à Paulodaure cet aspect adipeux, congestionné au seuil de la vieillesse.
Par contre ç’est l’animus de Paulodaure qui arrivera pur et intact (car ayant peu servi) aux portes du Paradis dans l’attente de son introduction …et là, devant cette chose informe qui possédait son accomplissement en puissance, mais qui, laissée en friche est à classer sur la même étagère que le bulbe de la mouette rieuse, qu’adviendra-il ?"

Alors un grand silence se fît, qui contamina le dernier étage de l’Académie (là ou les chambrées d’ordinaire, vibraient) interrompant tous les coïts puis l’air devint électrique.
l’animus de chacun eût droit à sa minute de reflexion, songeant à son salut.
Mimilas se gratta la tête puis il dit consterné "je craint bien que le saint videur ne lui refuse l'entrée !"


Panégyrique II - De l'étant en tant qu'étant


De l'étant en tant qu'étant

Fendant la foule médusée, s’avança alors l’adversaire le plus redoutable de tous les combattants de l’esprit : Cratyle, le Philosophe Muet.
Il avait battu jadis le célèbre Héraclite sur son propre terrain car lorsque celui-ci avait donné son argument décisif selon lequel
« on ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve »
Cratyle avait dit :
« on ne peut même pas le faire une seule fois et nul ne peut énoncer aucune vérité sur ce qui change partout et en tout sens c’est pourquoi, à compter de ce jour jamais plus je ne m’exprimerai par les mots et sur aucune chose»

Suivi de son entraîneur, Cratyle s’épongea le front s’installa face au prophète et se conformant à sa légende il commença à remuer le doigt en tous sens signifiant par là
« je ne puis rien dire d’intelligible sur ce monde en perpétuel changement »
administrant à son adversaire un redoutable direct du pouce.
Une grande rumeur agita l’assistance qui avait apprécié l’efficacité de l’assaut

Mais le Péripatéticien, toujours très mobile savait esquiver, protégeant sa garde il répliqua :
« c’est en regardant le monde et non en se détournant de celui-ci que l’on trouve la vérité, ne voir que le mouvement est ignorer la substance première c’est-à-dire l’étant qui se maintient quelque soit le changement »

Cratyle, déstabilisé se demandait bien ou son rival voulait en venir et commençait à ressentir des tensions métacarpiennes, il dressa le majeur, repliant les autres doigts

Le prophète, profitant de son avantage, enchaina :
«si nous reprenons l’exemple de Paulodaure, dont le corps ravagé par ses séjours prolongés en taverne est plus souvent observable à quatre pattes donc à la ressemblance du quadrupède voire rampant tel un reptile, chacun s’accorde à dire qu’il est bipède : c’est sa forme, sa substance première même si elle n’est que virtuelle (en puissance et non en acte) »

Cratyle comprenait trop bien, suant d’angoisse, pour se rafraîchir, il agita sa main en éventail

Aristote reprit « ainsi et de même, si bon nombre d’êtres humains subissent des altérations tamagoshistes ou bisounoursesques ils restent néanmoins et malgré les apparences des êtres pensants »
puis le sage porta le coup ultime « toi-même le philosophe Muet qui n’émet aucun son, nous savons tous ici même que la cause finale qui détermine ton être, le moteur du monde, t’a donné la forme d’une vrai pipelette en vérité. C’est ton étant en tant qu’étant et sur lequel tu ne puis rien changer car la Parole est le cadeau que le Très-Haut fît à l’espèce humaine»

L’estocade finale avait mis l’adversaire K.O. : son pouce retomba inerte vers le sol, rendant ce geste à la postérité comme signifiant « le combat est perdu »
alors la foule en liesse porta le prophète vainqueur en triomphe (soulageant ainsi ses jambes qu'il avait faibles, dit-on)



Panégyrique III - La copie des idées


Le lendemain, tandis que le Péripatéticien avait repris ses exercices quotidiens et préparait un discours sur 400 mètres, Xénocrate « le lourdingue » vint le trouver .
Ce même Xénocrate connu pour ses aphorismes tels que « le cerveau a des capacités tellement étonnantes qu'aujourd'hui pratiquement tout le monde en à un » ou bien «l’alcool rend l’eau potable» ou encore « une tonne pèse au moins cent kilos surtout si elle est lourde », s’adressa au prophète en ces termes :
« le maître a fort apprécié ta performance face à Cratyle, il souhaite que tu le rejoignes au Q.G. afin de te féliciter»
Une convocation de Platon ne s’évite ni ne se diffère ! murmura le prophète dans un sourire.

Au gymnase, comme à l’accoutumée bourdonnait une nuée de disciples autour du grand maître Platon himself, l’enveloppant de sa gluante et canine sollicitude. Celui-ci d’un sourcil levé, soudain imposa le silence.
Alors, se leva Platon au large front : 1 mètre quatre vingt treize, 95 Kg, bouffi d’orgueil. Il prit Aristote par le bras en une clé parfaitement verrouillée et entreprit la plus illustre joute oratoire de tous les temps.

Premier round – Platon au service : de la copie des idées

Platon : « le Cratyle a du doigté, si je puis dire et sa harangue est juste en apparence car les êtres en constant devenir qui courent vers leur destruction méritent à peine le nom d’êtres.
Jeune, j’étais timide et pourvu d’une voix grêle tonitrua le géant extraverti, alors si je ne peux répondre à la question qui suis-je de façon permanente ? ne dois-je pas me poser aussi la question suis-je ? n’est-il pas mes bons amis ? »
« assurément » entonna en chœur antique tout le fan club réuni.

Platon :« toutefois, quand une chose change, il faut bien en elle quelque chose qui demeure, sinon elle ne changerait pas, elle serait radicalement autre, pas vrai les p’tits gars ? »
« à qui le dites vous ! mon bon Maître » susurra la compagnie des lécheurs de sandales

Xénocrate : «ben ouais, si ce n’est toi ç’est donc ton frère, mais si çà s’rait toi ton frère, ta belle-sœur serait ta femme et tes enfants leurs propres cousins … ça le fait pas !» dit Xénocrate se grattant la tête.

Platon : « et si on lui remettait sa muselière, les gars, plutôt que lui jeter des cacahuètes comme des malsains ?»
« tu l’as dit bouffi » clamèrent les affidés suceurs platoniques

Platon : «j’ajouterais que quand on observe ces êtres changeants on découvre qu’ils reproduisent dans la même espèce des caractères constants qui se transmettent d’individu à individu, transcendant les générations et qui sont des copies de modèles universels, immuables, éternels que je nommerai idées. Assurément dans mille sept cent ans, je vous promets nombre de Xénocrates dans la population humaine destinés à divertir leurs contemporains »
« un peu, mon neveu ! » ricanèrent les béats en extase

Platon : « Du reste, n’avons nous pas toujours une conscience vague de ces archétypes, de ces idées, parce que notre âme qui a existé avant nous et passera dans d’autres corps après nous les a aperçu dans un autre monde ? »
« dans le mille Emile! » gloussèrent les vautrés aux pieds du Magister

Platon : « Ainsi, voilà pourquoi tous les vivants ont par nature l’intuition de cette ressemblance qui leur fait reconnaître tout ce qui est de même genre et qui fait que l’escargot, malgré la difficulté ne sélectionne pas la limace pour copuler, sans parler du choix du porc-épic ! »
les disciples sans voix se roulèrent en boule dans le transport du ravissement.

Platon : «compagnons, chacun de vous connaît le mythe de la dissidence : le jeune provincial initié aux arts de la Cité devient le meilleur élève alors, accompli, il mordille les doigts qu’il a léché. Je te laisse la parole, Aristote !»
Aristote : «Dieu m’est témoin que j’aime la main de Platon, mais j’aime plus encore sucer la vérité» répliqua le prophète.
L’auditoire retenait son souffle et tous les organismes fonctionnaient en apnée.



Panégyrique IV - L'essence des choses


Aristote : « Ta thèse, mon bon maître, aussi brillante soit-elle n’est que pure vue de l’esprit, ainsi les choses ne sauraient venir des idées, dire que ce sont des exemplaires et que les autres choses en participent, c'est prononcer de vains mots et filer des métaphores poétiques»

L’assistance gênée et le regard aux cieux braqua son attention sur l’ange lourd de catapultes qui passait par là et chacun y allait mentalement de son analyse balistique
Aristote se mît alors à tourner autour de sa victime en cercles concentriques dans le sens de l’ombre du gnomon

Aristote : « constatant que les idées sont presque en aussi grand nombre que les choses pour l'explication desquelles on a eu recours aux idées, et bien, oserais-je le dire ? le procédé est plus que fumeux, si je puis me permettre.
Tout comme Paulodaure ivre-mort doit fermer un œil afin ne pas voir double, il faut lutter contre le vertige que procure ton discours et la multiplication sans fin des idées dans le grand fourre-tout universel ! »

Bien que l’auditoire fut acquis au maître, les rumeurs circulaient déjà sur l’aspect in the moove du discours péripatéticien tandis qu’Aristote fondait sur sa proie

Aristote :«Tu prétends que l’âme passe de corps en corps sans en être dépendante. Comment alors peut-elle être altérée par l’organisme ? car lorsque le même Paulodaure accuse huit grammes d’alcool pur dans le sang , sauf ton respect, son âme n’est plus si belle à voir »

Les murmures s’amplifièrent «très tendance l’Aristote »… « moi aussi je kiffe graave »

Aristote : « ainsi d’après toi, l’idée de l’être humain est le type idéal que reproduisent plus ou moins parfaitement tous les hommes et toutes les femmes mais bon.. soyons sérieux : ce modèle est si abstrait que Diogène se moquant le cherche en vain dans les rues d’Athènes, en plein jour une lampe à la main ! »
le prophète se fendit d’un sourire dévastateur :« sacré gégène ! »

alors l’auguste Diogène, le complice de toujours écartant l’assemblée rejoint Aristote. Travesti en femme et fardé il jeta un poulet plumé aux pieds de Platon puis il chanta d’une voix suraiguë « redis-le, Maître que l’humain est un volatile sans plumes»

la foule complice gloussa précipitant la déroute platonicienne
« comment ils ruinent l’ancien, trop over hipe ! »

Aristote tenant l’épaule de Platon et dans des sanglots de rire parvint à dire :

« essaies de comprendre mon vieux, la substance des choses, l’essence des êtres, se trouvent en eux-mêmes et la forme ne peut se manifester sans la matière c’est ainsi que lorsque notre âme aura rejoins le Très-Haut elle s’incarnera pour l’éternité ne t’en déplaise, sans remettre son mandat dans d’incessants tours de manège terrestres »

quelques uns parmi les plus branchés des athéniens s’agglutinaient déjà autour du prophète afin de recueillir son opinion sur la nouvelle mode du port du khitôn à la place du classique péplos et savoir si la fashion cothurne détrônerait bientôt la sandale.
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MessageSujet: Re: Livre sur la Vie d'Aristote   Livre sur la Vie d'Aristote EmptyMer 28 Oct - 16:50

Livre trois - Récit de Collagène de Mégare

Chapitre un.


Des évènements extraordinaires, moi, Collagène de Mégare, aide de camp dans l’Armée d’Alexandre, je puis affirmer que j’en fus témoin si souvent durant trente ans de campagnes militaires que bien peu de choses m’étonnent, ç’est bien pourquoi la bleusaille me surnomme le Diogène des phalanges.
Mais quand notre jeune prince décida de partir en quête des ruines de la Citée mythique d’Oanylone sur les seuls conseils de ce vieux fou de philosophe simplement parce que ce dernier l’avait vu en songe, j’étouffais un cri d’effroi, caché derrière une colonne avec Callisthène, neveu du sage qui lui même se prit, d’étonnement les orteils dans les franges d’un tapis persan murmurant « j’aurai ta peau Darius ! » …Tout était dit.
C’est ainsi que nous partîmes, quarante mille soldats à la poursuite d’un songe un matin de printemps, tendus comme un arc vers l’orient.

L’Hellespont franchi, Alexandre, nourri des récits d’Homère dont Aristote lui avait farci l’esprit, partit sur le champ se recueillir dans les ruines de Troie.
Le soleil couchant allumait ses ors sur les vestiges moussus de gigantesques remparts et une étrange quiétude pénétrait les lieux.
Tandis que le prince cherchait dans l’ombre des stèles saillantes d’Ilion la Grande une trace du héros qui berça son enfance, littéralement sur les talons d’Achille, le philosophe accompagné de son neveu et moi-même fûmes attirés par une mélopée étouffée brisant le silence.
Dans un cercle de pierres, quelques humains se tenaient dressés comme des roches levées,
pétrifiés par la Pythie dont le chant défiait la raison. A notre approche, le prêtre interprète sembla s’éveiller d’un songe puis nous accueillit en ces termes : « étrangers, depuis des jours, l’oracle nous annonce votre venue, formulez la question qui vous tourmente et Dieu, par la bouche d’Oenoné daignera nous éclairer »
puis il tendit à l’oracle de l’eau et des feuilles de laurier à mâcher.
Les participants portaient tous, au cou la même amulette faite de trois métaux


Livre sur la Vie d'Aristote Metal10


Ce fût un Aristote troublé qui alors prît la parole : quel est le but ultime de ma quête ?

Oenoné, dans le crépuscule reprit son chant fou et hyper-aigu « entre en transe entre anses denses, danse en transcendance »
que dit-elle ? s’enquit Callisthène. Rien, elle s’échauffe
Mais peu à peu l’énigmatique logorrhée devint intelligible :
« trois, deux, un, retrouvez l’origine
Troane, est atteint, troisième demeure des fils
sont près de Daisane les enfants du premier
enfin, là ou gît le premier né Oane,
sois l’élu qui sera le héraut du Très-Haut »
l’inter-prêtre hocha la tête longuement observa Aristote avec un effarement empreint de déférence puis il traduit :
Ton périple commence ici en Troanne, la troisième Cité des fils d’Oane, Plus loin vers l’orient cherche Daisane, là, se trouve la seconde clé du voyage dont le dessein, plus à l’est encore, est Oanylone cité du premier humain au regard de Dieu lors tu deviendras le messager divin.
La nuit fût passée à se perdre en conjectures sur l’énigmatique message et l’identité de cet Oane qui avait imprégné jusqu’à la construction de la plupart des langages du monde connu.
Les étranges adeptes rencontrés aux ruines ne nous quittaient plus et s’abandonnaient en prières autour de notre campement.
Ces révélations nous remuaient encore le lendemain, lorsque, réglant quelques affaires courantes nous affrontions Arsitès, le général Perse.
L’issue de cette guerre de représailles bascula à notre avantage quand Aristote suggéra au prince d’attendre pour l’assaut final que le soleil fût dans notre dos. Les Perses, éblouis par le soleil qui se trouvait désormais en face d'eux, distinguant mal leurs adversaires, perdirent l'avantage de la position. Dès lors, les Macédoniens, forçant la ligne triomphaient.


Chapitre II. La grande bibliothèque d’Angora

Nous avions reprit la route vers Gordion et, derrière les armées sur quatre colonnes soulevant la poussière, derrière l’étendard de l’ouragos, cheminaient désormais des pèlerins ralliés à la quête d’Aristote qu’ils nommaient l’Esprit.
Au cri de rassemblement « Dieu est avec noos » leur file s’allongeait de jour en jour, grossie du clan des Wilusa et de la tribu des Lukkas de Lycie.

Dans le berceau du roi Midas, le grand Alexandre, adepte des dénouements à l’épée força la prédiction et le jour suivant, nous atteignions Angora soumise sans combat sous la condition, que l’armée ne pénètre pas la citadelle.
Passée l’enceinte des murailles, percées de quatre portes monumentales, la haute ville se dressait couronnée du palais royal et au pied de la nécropole la raison de notre venue en ces lieux : la grande bibliothèque car, attachée aux sandales d’Aristote, Oenoné nous avait divulgué l’existence d’un fragment de manuscrit qui se trouvait ici, révélant le périple du peuple originel.
Derrière les colonnes de bronze de la galerie, l’ambiance enfumée et en proie à l’agitation la plus vive ne laissait pas de surprendre.
Dans la salle de lecture des arts divinatoires nous fûmes témoins des pratiques les plus insolites :
un devin penché sur une coupelle déchiffrait son destin au fil des volutes d’un marc de café gêné par son voisin, nécromancien qui consultait notre futur à travers une configuration d’os violemment jetés sur un lutrin tandis qu’un aruspice parcourais un avenir incertain dans les entrailles du poulet, gisant sur le pupitre. Penchés au dessus de la dépouille du volatile Callisthène et moi scrutions un aveu viscéral quand Aristote d’une clef experte nous arracha à cette douteuse contemplation.
Au cœur de la pièce la plus sombre du Muséion, parmi les archives poussiéreuses : bestiaires fabuleux, tablettes d’argiles, grimoires, gros volumes, opuscules se trouvait la fameuse cédule.
Le philosophe, fébrile s’en empara et il nous lut :

Citation :
Citation:
« Le peuple du premier-né, dans son exil s’est déplacé d’est en ouest, aligné sur la course du soleil. Lorsqu’il parvint sur un plateau fertile, défendu par les contreforts d’une chaîne de montagne, une vingtaine de ruisseaux l’arrosaient ainsi qu’une rivière
Il est écrit transmettez à vos fils : fatigués d’errer depuis des lustres ils établirent leur camp en ce lieu mais alors le ciel s’obscurcit soudain puis un éclair déchira les ténèbres en deux et la Voix leur dit :
humain de peu de foi, choisis entre trois fléaux des eaux, du feu et des sauterelles celui par lequel, toujours tu seras éprouvé par Dieu.
Alors le peuple montrant le flot tumultueux qu’il nomma Daisan décida d’être secoué par ce malheur pour que jamais l’homme n’oublie de craindre le Très-Haut.
Interroge ton père et il t’instruira, demande à tes ancêtres et ils te raconteront.
Et pour qui écrirait-il, celui qui écrit ? Alors transmettons quelque peu de notre punition par nos écrits, à l’intention de ceux qui viennent après nous... Peut-être eux-mêmes craindront-ils et seront-ils ébranlés ? »


Ainsi, comme les chroniques le mentionnaient, Daisan était le nom de cet affluent de l’Euphrate autour duquel le peuple avait fondé la ville d’Urhai.


Chapitre III. La Tribu d’Habram



En chemin vers Urhaï, les cohortes de soldats et d’adeptes mêlées mues par la grande quête et semblables au panache incandescent d’un astre en perdition allumaient l’horizon.
Dès lors le philosophe, résigné et soumis au dessein du Très-Haut, avait revêtu les oripeaux sublimes du prophète et en acceptait les charges.
Quant à son neveu et votre serviteur, nous étions devenus sa garde rapprochée.

En contrebas des pentes arides du Taurus, avertis de l’arrivée d’Aristote, le peuple d’Urhaï, dans des barques fleuries était venus le cueillir, il termina son périple voguant sur les flots émeraude du Daysan.
Les chaotiques soubresauts de la rivière berçaient tant Callisthène qu’il ne vit jamais les rives colorées et les signes de bienvenue des habitants aux abords de la cité mais seulement le fond humide de la coque sculptée par ses ongles.
Glissant au pied de la forteresse je fus surpris de voir les larges bassins dans lesquels officiaient des prêtres pour le moins pervers qui enfonçaient la tête de leurs frères dans l’eau et, le croirez-vous ? les suppliciés s’engloutissaient, comblés d’aise.
Le plus étrange fût de voir Aristote, humblement, se porter volontaire pour endurer la même torture, d’abord je crût qu’il voulait se rafraîchir car la chaleur et l’humidité était intense mais il avait vraiment perdu la tête.
Le prêtre ému jusqu’aux larmes s’adressa à son Dieu comme si ç’était la première fois :

«Dieu tout puissant accepte ton enfant qui fait le choix d’abandonner la fatalité d’une vie animale, et consent qu’il renaisse librement engendré d’En-Haut »

La chronologie de ce qui se passa ensuite reste confuse mais sachez que les énormes poissons du bassin entourèrent les deux hommes, plongeant, tournant, sautant dans le plus grand chaos, alors tous les habitants tombèrent à genoux car il s’agissait des carpes sacrées.

Plus tard, on nous enseigna que, nées du miracle qui avait fait jaillir la fontaine vive Callirhoé du bassin et sauvé leur ancêtre Habram lorsque Nemorod l’avait précipité dans un brasier ardent du haut de la citadelle, les carpes, depuis la nuit des temps frayaient dans cette eau miraculeuse et préservée.
Et puis soudain, les poissons rompant leur danse désordonnée formèrent un cercle parfait, aussi parfait que la course des astres autour du coeur de la création.
Les descendants d’Habram et l’armée macédonienne tombèrent dans les bras les uns des autres à la vue de ce prodige, les soldats pleuraient
«edessa», «frères, nous sommes liés»
Quand les effusions s’estompèrent, le grand prêtre dit «nous allons partager avec vous notre secret car ç’est ce par quoi les frères se reconnaissent » marchons vers Harran ou réside le grand sage de la tribu.

Dans le grand temple d’Harran, le vieux sage à la barbe drue semblait attendre ses hôtes. Tous les yeux étincelaient dans leur creux d’orbite quand il lança sa révélation.
Citation :
Citation:
« Voici des temps immémoriaux, lorsque le peuple du Très-Haut s’enfuit de la Cité originelle, Dieu qui eût pitié de nos aïeux dans leur exode offrît la pierre d’Oane à la Tribu d’Ânani Mhour mais l’écriture de la tablette était désormais devenue étrangère à tous les yeux.
A ceux qui décidèrent de suivre le soleil dans sa course, et afin qu’ils n’oublient pas leur pacte avec lui, Dieu leur fît don du bouclier d’alliance. Du disque façonné de trois métaux, l’airain l’argent et l’or, la légende raconte que seul, le Messager divin que la raison guide vers Dieu pourra découvrir la prophétie inscrite au centre du disque car l’or y est si pur que tout humain devient aveugle dans la tentative de découvrir le texte ».


Le prophète s'épongea discrètement le front murmurant :

"On dit qu'Homère était aveugle, le dira-t'on aussi d'Aristote ?"


Après de nombreux jours passés en prières et festivités, il fût temps de reprendre la quête. Des liens étroits avaient été noués entre les Uraïtes et les soldats. D’ailleurs, nombre de conscrits jurèrent de revenir goûter ici au repos du guerrier.

Les damnés de l’astre lunaire purent alors distinguer de leur position géostationnaire le large cortège ininterrompu des humains, en marche vers la prophétie.
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MessageSujet: Re: Livre sur la Vie d'Aristote   Livre sur la Vie d'Aristote EmptyMer 28 Oct - 16:55

Livre IV - Le siège d'Aornos


Chapitre Ier

Moi, Epistène, face à cette statue de marbre immortalisant d'une main d'Alexandre nichée en celle d'Aristote l'amitié liant les deux hommes, présent du disciple à son précepteur, qui, le découvrant, ne pu réprimer une larme venue maculer l'objet, je me souviens...

Je me souviens de ce temps ou je fus attaché au service du très Grand Alexandre le troisième, et veut témoigner, au crépuscule de ma vie, des évènements fabuleux dont je fus tantôt le témoin, alors que l’armée macédonienne atteignait Nicae et les rives du Cophen, au-delà des monts Paraponisades. Nul d’entre nous ne connaissait les contrées reculées et mystérieuses que nous abordions. Alexandre et moi aimions à converser des mémoires de Ctésias, ou des écrits d’Hérodote, qui constituaient tout ce qu’on pouvait en savoir.

Les conditions de notre périple étaient désespérément mauvaises. Les soldats étaient éreintés par la chaleur et l’atmosphère insalubre. L’humidité s’immisçait partout, la crasse formait des plaques jaunâtres sur les visages contrits des combattants, et la moindre écorchure s’infectait aussitôt. L’eau potable venait à manquer, tout comme la nourriture qui pourrissait en quelques jours. Certains furent pris de fièvres mortifères qui faisaient couler leurs humeurs à grands flots par tous les orifices, et les laissaient pour mort. L’infortuné contingent devait progresser sur des chemins indignes de ce nom, rendus à l’état de bourbiers par les pluies diluviennes qui s’abattaient, comme une fatalité, à la fin de chaque jour.

Et enfin, par un beau matin, nous atteignîmes la cité d’Aornos, refuge du peuple Assacène, que notre bon roi tenait pour ennemi. Quatre immenses tours d’argent formaient les angles d’un complexe de fortifications, qui protégeaient une ville singulière dans sa disposition. La cité était bâtie sur une colline. A son sommet, on pouvait distinguer ce qui devait être un temple, surmonté d’une sorte de minaret flamboyant d’or et de pierres précieuses, qui surplombait, accrochés à flanc de relief, la ville proprement dite.

Alexandre fit une inspection minutieuse de ses troupes, puis tint un discours fort captivant sur l’abnégation à la cause publique, pour remonter leur moral. Il fit ensuite réunir ses généraux pour débattre de la stratégie à tenir. L’état-major fut d’accord pour qu’un siège fut organisé, et Alexandre fit cette remarque pleine de bon sens : « On va tout de même leur balancer quelques boulets pour leur faire savoir qu’on est là. Qu’on fasse installer les catapultes ! ». Et ainsi il fut fait selon la volonté du souverain.

La première salve fit réagir de façon bien particulière nos ennemis. Nous vîmes venir dans notre direction une troupe de trois cavaliers, qui constituait une délégation Assacène. L’un d’eux se dirigea droit vers Aristote, précepteur de toujours d’Alexandre, homme d’une incroyable sagesse, et dont depuis ces événements je crois en la sainteté. Il jeta un regard fixe à notre philosophe, puit tint cet étonnant discours : « Nous t’attendions, viens. Le grand Manitou du serpent cosmique a prophétisé ta venue ». Puis, il s’adressa à Alexandre en des termes tout aussi consternants : « Souverain de Macédoine, tu pourras détruire Aornos très bientôt, mais avant nous devons accomplir le Grand Dessein, et montrer à Aristote notre cité et ses rouages. Dès qu’il sera de retour du pourra donner l’assaut ». Alexandre fit part de sa méfiance, redoutant un piège, mais Aristote lui causa en ces termes : « Si je ne satisfais pas ma curiosité, je ne pourrais mourir en paix ».

Alexandre : « Mais si tu y vas-tu mourras plus vite ».

Aristote : « Si je n’y vais pas, je mourrais plus tard, mais bien pire que mourir, je mourrais insatisfait. Dans les deux cas je suis mort ».

Alexandre : « A toi de voir ».

Voilà qui n’était pas sans soulever la mienne, de curiosité, et je demandais discrètement à mon roi si je pouvais suivre le philosophe dans sa visite, ce qu’il accepta. Les Assacènes en firent autant.


Chapitre II

La cité d’Aornos était une singulière mécanique sociale. Notre hôte Assacène nous commentait la visite, pendant que nous progressions vers le sommet de la colline. Et à mesure que nous avancions, je voyais le visage d’Aristote se transformer, comme si tout lui était soudainement familier. A chaque intervention de notre guide, le philosophe répondait d’un air entendu, avec circonspection.

Alors que nous traversions un sombre dédale de ruelles où chaque recoin, chaque ombre était la scène d’une rapine, d’une agression, d’un acte de violence, où les ribaudes se pressaient dans des contorsions obscènes et des positions lascives pour aguicher les passants, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone D, celle où l’on plaçait tous les rebus de la cité, et ceux qui ne respectaient pas ses règles. Je me hasardais à la question suivante : « Mais pourquoi ne pas les bannir ? ». Notre guide me répondit que le manitou ne le souhaitait pas, parce que selon les propres termes de ce qui devait être leur souverain: « nous dépeuplerions notre cité ». Aussi faut-il préciser que les Assacènes enlevaient aux mères de la zone D leurs nouveaux-nés, pour les placer dans des élevages. Aristote fit ce commentaire : « Je ne vois ici que vice et misère sordide ».

Alors que nous progressions au travers d’une extraordinaire étendues de cultures diverses, maïs, blé, orge, disposées en multiples paliers, d’élevages grouillants de cochons et de vaches, et où l’on pouvait distinguer quelques paysans squelettiques, arrassés d'un travail d'esclave et souffrant de famine, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone C, celle où vivait la caste des cultivateurs. Je me hasardais à la question suivante : « Mais pourquoi sont-ils faméliques, vos cultivateurs ? ». Notre guide me répondit que la caste supérieure vivait dans l’opulence, et que la production était insuffisante pour assurer la subsistance de la classe laborieuse. Mais aussi faut-il préciser que le manitou refusait aux agriculteurs le droit de s’installer extra muros, où ils auraient pu bénéficier de plus grands espaces pour un meilleur rendement, parce que, toujours selon ses termes, « les cultivateurs doivent être très étroitement contrôlés pour éviter les actes déviants ». Aristote fit ce commentaire : « C’est absurde ».


Chapitre III

Le temple du manitou du serpent cosmique était un édifice imposant, dont l’architecture ne tolérait aucune fioriture. Le décorum était d’une simplicité extrême, et se limitait à quelques bas reliefs représentant des épisodes de la vie du serpent cosmique, divinité Assacène. Seul le dôme du temple tranchait avec l’austérité de l’ensemble, chargé qu’il était de pierres précieuses, et tapissé de feuilles d’or. Nous pénétrâmes dans la bâtisse, emboîtant le pas de notre guide, qui nous conduisit à une sorte de guichet, tenu par ce qui semblait être des moines. Ceux-ci nous interrogèrent sur nos identités, nos adresses, nos situations familiales, nos revenus, nos filiations, et plusieurs heures plus tard, nous fûmes enfin autorisés à rencontrer le manitou.

Le manitou du serpent cosmique était un personnage singulier. Nous nous attendions à rencontrer un souverain, splendide dans sa majesté, mais c’est un homme dépourvu de charisme qui nous faisait face. Le manitou était petit, maigre, d’un age plutôt avancé, et portait une ridicule petite moustache. Il nous accueillit froidement en ces termes : « Les étrangers ne sont d’habitude pas bienvenus ici, mais pour vous nous faisons une exception, puisque vous êtes acteurs de la prophétie ». Je brûlais de lui poser la question, mais c’est Aristote qui le fit avant moi : « Mais de quelle prophétie parlez-vous donc ? ». Le manitou lui répondit qu’il avait vu en rêve qu’Aornos serait détruite par des armées venues d’occident, mais qu’un philosophe du nom d’Aristote devait d’abord visiter la cité pour en perpétuer la mémoire dans ses écrits. Aristote affirma que jamais il n’userait de son précieux temps pour écrire deux lignes sur Aornos, « plutôt crever, ou mieux, qu’Aornos sombre dans un total oubli ». Le manitou fut atterré par les paroles du philosophe : « Ah, non, non, non ! Ca non, nous ne pouvons pas être oubliés, enfin ! Nous sommes l’idéal politique ». Aristote pouffa : « Pouah ! Vous plaisantez ? Un idéal, une vaste blague oui : je ne vois ici que péché.

Je ne vois que luxure des hordes d’égarés vautrés dans les abus obscènes des choses de la chair, qui conduisent à l’irrémédiable contamination de l’âme, devenant alors comme un noir paysage peuplé de phantasmes où les corps se mêlent dans des positions indicibles. Ces damnés vont et viennent dans un sinistre ballet, en quête de nouvelles expériences sordides, pour calmer leur appétit féroce qui ne fait qu’aller grandissant. Plus rien n’a d’importance, sinon la satisfaction de leurs bas penchants, et bientôt, les obsessions deviennent si fortes qu’ils sombrent lentement dans une folie noire.

Je ne vois que colère, que des pauvres bougres qui s’abandonnent à leurs penchants primitifs pour lever la voix ou le gourdin contre leurs frères, que des sinistres maraudeurs qui jouissent de la violence de leurs actes malfaisants. Ceux-là, bientôt poussés par leurs pulsions bestiales, ou leurs tendances à la perversité, se repaissent de chair humaine et boivent le sang de leurs victimes, avant de semer la mort, puis de s’oublier à jamais dans une orgie de viscères et d’humeurs répandues.

Je ne vois qu’avarice de ceux qui prétendent commander mais qui ne font qu’exploiter, méprisant des intérêts les plus fondamentaux de leurs sujets, de ceux qui se complaisent dans leur petit confort, méconnaissant des besoins vitaux de leurs frères laborieux, et qui refusent une miche de pain aux bouches affamées. Ceux-là, en vérité, font preuve d’un tel égoïsme, que toute leur substance converge vers un même point central de leur organisme, et qu’ils deviennent ainsi tout rabougris, bossus, et tordus par l’œuvre du temps.

Je ne vois que gourmandise, et extraordinaire opulence des citoyens, qui sont gras d’abuser des choses de la table, rosés de boire trop de vin, et nonchalants de leurs excès de sommeil. Ceux-là verront bientôt leurs langues couvertes de pustules immondes, et gonfleront comme des baudruches, pour ensuite éclater tels des fruits murs dispersant ainsi leurs pauvres chairs aux quatre vents.

Je ne vois qu’orgueil et fatuité des citoyens, qui se réjouissent de la contemplation de leur propre image, et qui se persuadent de vivre dans la perfection physique, morale et politique. Ceux-là deviendront les plus laids, les plus difformes d’entre tous à mesure qu’ils vieilliront ; ils finiront fous de désespoir d’être rendus à l'état de monstruosités rampantes, larves visqueuses qui n’ont plus rien d’humain.

Je ne vois qu’envie des uns pour les choses des autres, ceux d’en bas voulant posséder autant que ceux d’en haut, tels se pourléchant de ce qu’ils pourraient encore tirer de leur prochain, et la chrématistique se faisant l’instrument de ce système pernicieux. Ceux-là aiment trop posséder et posséder autrui, et à se croire trop libres de désirer, ils en deviennent esclaves de leurs désirs, soumis aux moindres aléas de la fortune : leur vie devient un enfer, une quête effrénée et impossible d’un nombre toujours plus grand de choses terrestres.

Et enfin, je ne vois qu’acédie, le pire de tous les vices, s’il en est un, car voilà des citoyens qui au nom d’une obscure prophétie se laissent aller à la contemplation absurde de ce qu’il croient être leur destinée, à savoir disparaître sous les coups du glaive d’Alexandre, des citoyens qui au lieu d’agir, regardent béatement et passivement, des citoyens qui ignorent que l’action est le produit de l’héroïsme, le plus noble véhicule des vertus. Ceux-là, en vérité, ne méritent plus le nom de citoyens, et donc ne méritent plus le nom d’homme, ils sont des légumes ! »

Et Aristote se tût. Le manitou fit des yeux ronds, quant à moi je ne savais que dire après une telle tirade. Le temps fut suspendu, puis le souverain eut soudain une réaction violente. Aristote et moi fûmes expulsés d’Aornos, après avoir été copieusement insultés par le petit roi, qui entrait dans une colère hystérique.

Alors que nous dûmes cheminer au travers d’un quartier cossu abritant des bâtisses grandioses, dédiées aux héros militaires victorieux, et accueillant une intense activité qu’il fallait qualifier de futile, où les uns allaient et les autres venaient, sans but aucun, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone B, demeure de la caste des citoyens-soldats. Je remarquais qu’un grand nombre d’autochtones portaient de petits miroirs de cuivre pendus à leurs cous, et s’arrêtaient souvent de longues minutes pour entrer en contemplation devant leur propre reflet. Je me hasardais à la question suivante : « Mais que font tous ces gens qui semblent tirer tel plaisir à regarder leur image ? ». Notre guide me répondit que les soldats n’avaient point guerroyé depuis des années, et qu’à force de n’avoir autre chose à faire qu’admirer les choses de la nature, ils en viennent à s’admirer eux-mêmes, et à vivre dans une scandaleuse débauche de stupre et de luxe. Mais aussi faut-il préciser que le manitou interdisait aux soldats de s’entraîner en temps de paix, ou même de porter les armes, parce que, encore selon ses termes: « il ne faut pas risquer que l’armée puisse un jour se retourner contre nous ». Aristote fit ce commentaire : « C’est grotesque ».

Alors que nous traversions ce qui semblait être une sorte de cloître dédié aux affaires les plus importantes de la cité, où promenaient de ventripotents magistrats, arborant des panoplies complètes d'éclatantes pièces de joaillerie, et donnant leurs consignes à des compagnies de négociants, de banquiers, de porteurs, affluant de toutes parts, l’Assacène dit qu’il s’agissait là du cénacle, ou zone A, où se réunissaient les philosophes-rois qui constituaient le gouvernement de la cité. Je me hasardais à la question suivante : « Mais votre gouvernement n’est-il qu’une question d’écus, pour que tout ici soit en rapport avec le marché ? ». Notre guide me répondit que toutes les questions de politique avaient été abandonnées, et qu’on ne s’intéressait plus qu’à l’économie. Mais aussi faut-il préciser que le manitou avait affirmé que le but de la cité devait être d’amasser des richesses, pour, selon ses propres termes: « se prévenir des lendemains qui déchantent ». Et Aristote fit ce commentaire : « C’est affligeant ».

Et enfin nous parvînmes au sommet de la colline, faisant face au temple du manitou.


Chapitre IV

Exclus d’Aornos, Aristote et moi-même rejoignîmes Alexandre, qui attendait avec son armée à quelques centaines de coudées des remparts de la cité. Le roi ne manqua pas de nous interroger sur les défenses de l’ennemi, chose à laquelle, je dois l’avouer, je n’avais pas prêté la moindre attention. Ce n’était manifestement pas le cas d’Aristote, qui fit en détail une description du dispositif militaire Assacène. Il ajouta qu’Aornos n’était qu’une cité corrompue, qui méconnaissait les principes de base devant fonder toute communauté, et qui n’était pas digne du nom de république. Il en concluait qu’il fallait la détruire, et fonder à sa place une cité vertueuse, et qu’il fallait, selon ses propres termes, « extirper l’erreur des esprits faibles, pour y substituer la conviction en la vertu ».

J’eus soudainement un de ces éclairs qui vous font espérer une petite gloire intellectuelle, et je crus pouvoir prendre le philosophe en défaut. Je relevais en effet qu’il avait tantôt affirmé au manitou que la violence était chose vicieuse car relevait de la colère, et que pourtant il encourageait Alexandre dans son entreprise expansionniste. Aristote me répondit plutôt sèchement : « Notre communauté est glorieuse, parce que vertueuse. Ce constat n’a rien de subjectif, c’est une réalité parfaitement tangible, et qui fonde notre droit à établir, sur toute la surface du monde connu, notre république, pour le bonheur des peuples. Nos principes sont la vérité parce que sont tirés de l’ordre naturel des choses. Nous sommes la république universelle de l’esprit ». Je décidais de mesurer, à l’avenir, mes paroles, pour éviter d’être ainsi tourné en bourrique par le philosophe.

Alexandre ne voulait pas d’un siège d’usure, car en l’état de nos provisions, les assaillants auraient cédés avant les assiégés. Nos positions étaient en outre bien mauvaises, puisque nous étions exposés aux traits de l’archerie ennemie, le manitou étant, depuis notre entrevue avec lui, résolu à combattre. Pour nous mettre à l’abri, il nous fallut reculer, et retourner dans la fange et les miasmes des mangroves dont nous venions. Les hommes n’auraient pas tenu trois jours dans ces conditions, sous les nuées d’insectes et de serpents, dans l’atmosphère malsaine du marécage. L’état-major opta donc pour une attaque le soir même contre les premiers remparts du dispositif défensif. Ce fut une catastrophe. Des centaines de soldats périrent dans un assaut vain. Les archers et piquiers ennemis étaient redoutables, et nos hommes n’avaient pas même le temps de dresser les échelles : ils tombaient comme des mouches. Le bélier eut un sort tout aussi peu enviable : près de la moitié de l’équipage fut tuée avant même que l'engin ne vint heurter la porte. Les survivants étaient si peu nombreux qu’ils ne parvenaient plus à manœuvrer le bélier, qui fut bientôt comme une baleine échouée sur le pont-levis, les soldats l’ayant abandonné dans leur déroute.

Alexandre, loué qu’il était dans sa mansuétude à l’endroit de ses hommes, fit cesser promptement le massacre, et sonna la retraite. Les pertes furent ainsi limitées, quoique conséquentes. L’état-major fut de nouveau réuni, et conspué par le roi de Macédoine. Le souverain semblait fort contrit de la tournure que prenaient les événements, et avoua qu’il ne s’attendait pas à telle résistance. C’est alors qu’un général intervint, et rappela à Alexandre comment fut gagnée la guerre de Troie, et par quel subterfuge Ulysse parvint à introduire des guerriers grecs dans la cité. Aristote le fit taire aussitôt : « Ces légendes sont des crétineries polythéistes, et les troyens ne peuvent avoir existé, car aucun peuple ne peut être assez stupide pour tomber dans un piège aussi grossier. Il se serait bien trouvé un troyen pour prévenir ses concitoyens de leur stupidité, et qu'un cheval de bois de facture douteuse, qui sonne creu, et qui du reste était un objet de très mauvais goût, pouvait en outre être une ruse puérile». Le général s’insurgea qu’on méprise ainsi les croyances séculaires, et Aristote lui répondit sans se démonter qu’une croyance peut être séculaire, ça ne la rend pas nécessairement vraie. Alexandre fit cesser la conversation qui tournait au vinaigre, hurlant que ces polémiques ne l’aidaient pas.

Aristote fit alors une proposition étonnante : « je vais défier le grand manitou en combat singulier, et de ce combat dépendra le sort de la cité ».
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Les derniers jours du prophète

Citation :
Moi, Posidonia, Petite fille du prophète de Dieu, Aristote, fille de Nicomaque, voudrais vous raconter les derniers jours de la vie de mon grand Père.

Après la mort d'Alexandre de Macédoine, Aristote avait été forçé de fuir précipitamment Athènes.

En effet, Alexandre l'avait toujours protégé, mais avec la disparition de ce dernier, ses opposants n'avaient pas hésité à traiter mon grand Père de fou dangereux en raison de l'enseignement qu'il dispensait autour de lui sur l'existence d'un Dieu unique.

Les tenants de la Religion officielle ne le supportaient plus et dès la nouvelle d'Alexandre mort, ils lachèrent tout leur fiel et commencèrent à monter la population contre mon grand Père.

Sa maison fut incendiée, et mon Père, Nicomaque, eut les yeux crevés.

Aristote décida alors de quitter Athènes pour rejoindre Chalcis.

Une fois installé, je les rejoignis, mais les derniers évènements avaient beaucoup assombrit mon grand père et il perdit très vite ses forces.

C'est alors que nous apprîmes la naissance du fils de Séleucos, le compagnon d'Alexandre qui avait toujours été le plus réceptif aux enseignements de mon grand Père. Sa femme Apama venait de mettre au monde un enfant qui avait été prénommé Antiochos du prénom du père de Séleucos.

Mon grand Père eut alors les yeux qui se mirent à briller et comme éclairé par Dieu il m'annonça qu'il devait absolument voir cet enfant.

Je fis alors envoyer un messager à Séleucos le conviant avec son fils à venir rendre visite à Aristote.

Séleucos accepta avec joie et arriva un mois plus tard accompagné de sa femme et de son fils.

Pendant cette période, Aristote s'entretint souvent avec mon Père pour le préparer à sa future mission : devenir le précepteur du jeune Antiochos.

Mais sa santé fléchit brutalement à nouveau et mon grand père était alité quand je rentrait dans sa chambre pour le prévenir de l’arrivée de Séleucos, à cet instant son visage s'éclaira et il retrouva tout à coup ses forces.

Il me demanda de l'aider à s'habiller puis rejoignit Séleucos qui fut très heureux de revoir son vieux maitre de l'époque où lui et Alexandre avaient été ses élèves...

Aristote l'embrassa et lui dit :

Citation :
Citation:
Séleucos, je suis si heureux de te revoir et j'ai de grandes choses à te dire mais d'abord montre moi ton fils.


Séleucos se tourna vers Apama qui approcha Antiochos de mon Grand Père.

Aristote le regardait avec intensité et dit

Citation :
Citation:
Jeune Antiochos, ton destin sera inspiré par Dieu. Par toi, des milliers d'hommes de peuples différents se convertiront à la parole du vrai Dieu. Et parmi ces peuples s'en trouvera un dans lequel naîtra celui qui finira ce que j'ai commencé.


Puis se tournant vers Séleucos il ajouta :

Citation :
Citation:
Elève ton fils dans la Foi en Dieu, apprends lui les enseignements que je t'ai dispensé, prépare le pour la mission que Dieu lui a confié. Pour t'aider, je te donne mon fils, Nicomaque, qui sera le précepteur de ton fils.



Séleucos restait sans voix devant la prophétie que le grand Aristote venait de révéler, ainsi son fils avait été choisi par Dieu pour une si grande mission.

Aristote lui remit un pli scellé portant la mention "Pour Antiochos" et lui précisa qu'il devrait remettre cette lettre à son fils quand celui-ci aurait 15 ans.

Séleucos le remercia et l'embrassa chaleureusement.

Mon Grand Père dit alors Adieu à son fils, il l'avait préparé un mois durant à cette séparation qu'il savait définitive.
Il les regarda s’éloigner, puis, pris d’une grande fatigue, s’assoupit

Un peu plus tard dans la soirée, l’esclave Perfidias venu d'Athènes avec une amphore de vin dont l’étrange contenu fleurait la ciguë quittait le foyer avec la satisfaction du travail bien fait et du devoir accompli. Après sept jours d'inconscience, Aristote se réveilla alors que j'étais en pleurs à ces côtés, il ouvrit la bouche et dans un souffle me dit ces quelques paroles :

Citation :
Citation:
Mon chemin sur Terre est fini, il y a encore tant à faire, mais la part que Dieu m'avait alloué est terminée. Antiochos fera germer la graine qui éclora avec Christos...



Il avait dit ce dernier nom de façon à peine audible, et son esprit l'avait quitté... Je ne connaissais pas de Christos et ne sais donc pas de qui il voulait parler...

Je suis aujourd'hui âgée, et m'en vais bientôt retrouver mon Grand Père.
Comme Aristote l'avait dit, j'ai vu Antiochos, préparé par mon père, devenir Roi d'un grand Empire, je l'ai vu transformer en religion d'Etat les enseignements de mon Grand Père, j'ai vu des milliers d'hommes de peuples si différents se convertirent. J'ai vu la parole de Dieu se diffuser dans notre monde. Mais de Christos je n'en ai pas connu...
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